Arnaud Dotézac
Rédacteur
Juriste de formation, Arnaud Dotézac a toujours travaillé dans le monde des médias, notamment au sein de grands groupes européens, ce qui l’a conduit à un journalisme d'analyse croisant le factuel aux stratégies normatives des Etats. Arnaud a notamment dirigé les rédactions du magazine Market, publication suisse de haut vol traitant de finance, géopolitique et culture. Il offre régulièrement ses analyses relatives aux pays émergents au magazine Bilan et publie ses enquêtes lexicales dans l’Antipresse (rubrique « Sur ces mots »). En tant que « passager clandestin », il nous apporte également des éclairages précis et fouillés sur les affaires du monde, pour lesquels il intervient aussi, régulièrement, sur les ondes radio et les plateaux de télévision.
Il est l'auteur d'un livre étonnant sur la spiritualité et la géopolitique du Tibet : Les lamas se cachent pour renaître.
Prohiber l’avis contraire (la réplique) en le désignant comme repli psychotique, c’est passer du champ du débat démocratique à celui du diagnostic psychiatrique, c’est-à-dire de la libre confrontation des idées à la délégitimation par l’argument médical d’autorité. A ceux qui invoquent le « repli sur soi », répliquons-leur ce qu’est le droit de déployer ses idées en démocratie. Drone n° 38/Antipresse 148, 30.9.2018
Les articles d'Arnaud Dotézac
Le débat
Un « grand débat national » s’est donc ouvert en France. Mais quel est son but ? Dé-battre, dont l’étymon signifie « frapper », « rosser », devrait mettre en scène un vrai combat politique au cours duquel les arguments des uns et des autres puissent être mutuellement réfutés (1). Mais on en connaît le gagnant d’avance. On assiste donc bien au premier battage d’une campagne électorale au profit de l’Élysée en même temps qu’à l’admirable embattage des gilets jaunes ! Les Français savent bien que Macron a déjà refusé l’abattée quant à son cap et qu’il lui préfère l’abattoir *verbal et verbeux, repris par ses plus fidèles *foutriquets d’En Marche. En parallèle à la futilité du show la batterie de réformes se poursuit. De l’issue des ébats, le régime en fait, se contrebat. NOTE de futuo (cf. « confuter, foutre, futile »), même racine Indo européenne **bhu-, que *battuo (« battre, bouter, buter ») – idem pour fustis (« fustiger »). Article de […]
Elites
Les attaques contre le populisme, ce clivage entre le peuple et les «élites», vont aller crescendo. Mais qui sont ces élites? En bon français, elle se composent de «ceux qui sont dignes de choix», du vieux français eslite»(choisir) même racine que élire. Et si l’élite revenait à sa vraie nature: être digne du choix populaire? Le populisme redeviendrait alors synonyme de démocratie… Article de Arnaud Dotézac paru dans la rubrique «Sur ces mots» de l’Antipresse n° 160 du 23/12/2018.
Arrogance et insurrection
Alors que le chef de l’État et des Armées, Emmanuel Macron, était encore taxé d’arrogance par les Gilets jaunes, voici que surgirent les islamistes. Être arrogant, c’est trop s’arroger (ad-rogo : « demander pour soi »). Tout ce champ sémantique provient de la racine proto-indo-européenne h₃reǵ- (« droit, juste, roi »). Comment s’étonner alors que les rogations du peuple, n’aient point suffi à lui faire rectifier son cap, sa direction ? On aurait même cru qu’ils voulurent s’attaquer à son régime (regimens, « action de conduire »). Qui sont-ils, ces Gilets jaunes, pour lui contester ses prérogatives, à lui et ses ministres d’escorte (de ex-corrigere, « diriger »), ainsi qu’à son régiment parlementaire régulé par son ami Richard? « Ne suis-je pas celui qui a recueilli les suffrages du peuple », le rogator, s’interrogea-t-il ? Rien n’y fit. Pendant quatre semaines, les Gilets jaunes entendaient se subroger aux pouvoirs régaliens. Ils voulaient corriger le tir en prorogeant leur présence érigée sur les carrefours. Ils en avaient contre ce président des […]
Faire taire et révoquer… dans le silence
A son retour d’Argentine, M. Macron s’est imposé le silence. Issu de la racine proto-indo-européenne **seyl-*, ce mot porte en lui le sens d’immobilité, de quiétude, de calme. Or, la France sombrait en même temps dans l’exact opposé : la violence.
Itinérance mémorielle
Une itinérance est certes un déplacement mais le choix de ce mot doit bien faire sourire au Québec où il désigne le fait d’être à la rue, un SDF. Idem pour les opérateurs téléphoniques francophones à qui les frais d’itinérance furent imposés pour traduire le roaming (errance). Etrange paradoxe toutefois que d’errer pour rendre hommage à cette Grande guerre qui fut de position, symbole d’immobilisme et d’impasse tactique. Est-ce une simple « erreur », comme le cafouillage relatif à Pétain, ou le premier signe de fossilisation d’un « En marche » déjà mémoriel? Mais il est vrai que les racines de mémoire rejoignent celle du latin mereo dans le sens de « recevoir sa part » (mériter) et mercēs (récompense, marché), ce que vise bien le mercantilisme macronien, au moins en points de sondages. Il devra toutefois veiller à ne pas trop rogner sur les intérêts moratoires que le peuple français s’apprête à lui […]
Populisme et liberté
A trop s’attaquer au populisme d’Europe, comme ce danger venu des hideuses démocraties *illibérales* menaçant nos *libertés*, M. Macron en oublie ses classes de linguistique.
Déboires
Les journalistes se gargarisent avec les «déboires judiciaires» de Mélenchon. Ils ne croient pas si bien dire. C’était pour désigner le mauvais arrière-goût des breuvages qu’on usait de ce mot: «Un vin qui n’avait rien qu’un goût plat et qu’un déboire affreux», nous disait Boileau. Evoquer ses déboires c’est en fait, bien inconsciemment, compatir à son dégoût d’une justice décidément trop amère. Article de Arnaud Dotézac paru dans la rubrique «Sur ces mots» de l’Antipresse n° 153 du 04/11/2018.
Perquisition
Expédier la maréchaussée quérir les fichiers politiques de la France Insoumise pose tout de même question, alors qu’on s’apprête à conquérir l’électorat des Européennes. On pouvait se douter par avance que Mélenchon ne trouverait rien d’exquis à se retrouver ainsi perquisé. La chose tourna comme attendue: le Mélenchon tout enquis de liberté sacrée tomba dans le piège de fureur à lui tendu par quelques questeurs du Palais. A présent, le voici bon pour l’inquisition sur de nouvelles réquisitions du Parquet. Un gêneur de moins pour le marché en quête de nouvelles fusions-acquisitions? L’enquête le dira. Article de Arnaud Dotézac paru dans la rubrique «Sur ces mots» de l’Antipresse n° 152 du 28/10/2018.
La traite des tanches
Lorsqu’un navire sauve des naufragés, il les ex-trait de la mer. Extraire est de même racine que traite comme on le disait des blanches ou des esclaves. Lorsqu’on accuse les Aquarius et autres extracteurs flottants de procéder à une nouvelle forme de traite, sans doute trahis par leur ignorance du sens des mots, ils s’offusquent. Ce faisant, ils n’ont de cesse de nous distraire des vraies raisons de ces flux et reflux que l’on nommait tre en breton, apparenté à traite, pour désigner le retrait des eaux à marée basse. Leur trait d’esprit est de nous soustraire aux mécanismes démocratiques de décisions collectives. Ils nous prennent pour des tanches (on affectait jadis aux imbéciles ce nom de poisson) et tirent des traites à perte sur une Europe qu’ils rendent toujours plus abstraite. A défaut de traite des blanches, c’est bien à une traite des tanches qu’ils s’adonnent. Article de Arnaud […]
Société fermée
Les sans-frontiéristes abhorrent, par définition, la fermeture. Se fermer telle est l’abomination. Ils oublient que ce mot porte en lui tout ce qui «forme» une société et la fait «tenir». Tel est le sens de sa racine indo-européenne dʰer-mo-s («porter»), de dher- («tenir, soutenir, force, robustesse,»), qui donne notamment en latin firmus (ferme) et forma (forme). Être ferme (comme cette «terre ferme» tant espérée des migrants qui traversent la Méditerranée), c’est être stable, constant, fiable. Pas de société sans stabilité ni constance ni confiance, notamment dans la parole donnée. Affirmer («rendre ferme»), ne signifie rien d’autre que «tenir» parole. D’ailleurs, ce champ lexical persiste dans sa forme presqu’originelle indo-européenne en lituanien avec derėti («tenir parole, convenir, se mettre d’accord») en tchèque avec dařit («accomplir, réussir») ou en sanskrit avec dharma («la constance du bon ordre, la vertu, la loi, la protection, etc.»). Pour tenir, faut-il encore «se tenir», et pour cela […]
Repli sur soi
«Repli sur soi», une expression sans appel pour désigner la figure clinique régressive du recroquevillement infantile, du retour pathologique au passé, par opposition à l’ouverture à l’autre, à l’avenir, c’est-à-dire au progrès. Pourtant, en politique, l’apparenté le plus proche du «repli» c’est la «réplique», la réponse faite à la partie adverse (du même radical latin plico qui donne aussi ex-pliquer, im-pliquer, ap-pliquer, etc.). D’ailleurs, à l’origine, replicare se rapportait notamment au fait de «rouvrir» des rouleaux de parchemin pour les compulser. Prohiber l’avis contraire (la réplique) en le désignant comme repli psychotique, c’est passer du champ du débat démocratique à celui du diagnostic psychiatrique, c’est-à-dire de la libre confrontation des idées à la délégitimation par l’argument médical d’autorité. A ceux qui invoquent le «repli sur soi» répliquons-leur ce qu’est le droit de déployer ses idées en démocratie. Article de Arnaud Dotézac paru dans la rubrique «Sur ces mots» de l’Antipresse […]
Dérapage
Quel personnage public serait à l’abri de tout dérapage ? Comme en embuscade au tournant de l’anneau de vitesse des épreuves de patin de course, la presse attend que le champion se fracasse. Mais le dérapage est tout autre chose. Il désigne à l’origine l’arrachage des racines, apparenté à l’allemand raffen, saisir. Un sens qui demeure dans la Marine pour signifier qu’on lève l’ancre, et qui parfois glisse, d’où le sens dérivé actuel. Il est un cas où l’accusation de dérapage peut donc se retourner en compliment. Lorsqu’il s’agit de s’arracher de la contrainte et se saisir de sa liberté. Article de Arnaud Dotézac paru dans la rubrique «Sur ces mots» de l’Antipresse n° 147 du 23/09/2018.