Les masques antigrippe sont paraît-il en rupture de stock. Ce qui ne manque pas dans les réserves, en revanche, ce sont les œillères mentales que cette pandémie a permis de chausser sur des millions de têtes affolées.
J’étais invité cette semaine à une manifestation sportive précédée d’un dîner. Au dernier moment, les invités ont été informés que le match en question se tiendrait à huis clos, sans public, pour cause de vous savez quoi. Partie remise: la précaution, c’est la précaution. Combien d’événements dans le monde, le même soir, ont été décommandés? Combien de millions de manque à gagner? Combien de fêtards réduits à rester chez eux et ruminer leur angoisse devant leur ordinateur?
J’ai senti que quelque chose clochait dans cette manière d’aborder la prévention. Comme j’avais senti, au printemps 2009, que quelque chose ne tournait pas rond dans le traitement du H1N1 au Mexique, d’où il était parti. Un pharmacologue français, Bernard Dugué, publiait sur Agoravox des analyses qui mettaient les mots précis sur mes impressions. Le même automne il publiait, chez Xenia, H1N1, la pandémie de la peur. Sur la quarantaine d’ouvrages touchant au mot-clef «H1N1» dans l’édition française cette année-là, il était le seul à prédire un dégonflement spectaculaire de la menace. Le seul à avoir raison! Si la ministre de la Santé, Mme Bachelot, avait lu Dugué assez tôt, cela lui eût peut-être évité de commander aux frais du contribuable 94 millions de vaccins (pour 6 millions de vaccinés au final!).
Je ne dis pas que le Coronavirus est aussi bénin, je dis seulement que la fabrique de la peur irraisonnée s’est remise en branle. Qu’il s’agisse d’une grippe «ordinaire» ou d’un fléau pour l’humanité, la déraison n’aidera en tout cas pas à la juguler.
J’en étais là de mes réflexions lorsqu’une lectrice m’a signalé son témoignage publié sur les réseaux sociaux. Isabelle Vuistiner-Zuber écrit ceci:
«Dans mon activité comme soignante, je travaille dans un centre médical choisi pour faire des dépistages.
Pour être contaminé, il faut être exposé au virus en étant en contact avec un porteur à moins de 2 mètres pendant au moins 15 minutes tout en se faisant postillonner ou tousser dessus.
Si on était corrects et cohérents, on devrait interdire le voyage en train. Pas les manifestations. Ce sont des mesures exagérées qui nuisent à l’économie, à la joie de vivre et aux contacts humains. Quant à une partie du personnel soignant, il travaille actuellement sans masque, puisque ceux-ci sont en rupture de stock.
Je vois ce qui se passe comme une gestion démesurée du risque dans une société qui veut tout contrôler et a oublié que nous sommes mortels. Ce sont les personnes à l’immunité diminuée ou avec des facteurs de risque augmentés au niveau cardio-respiratoire qui doivent se protéger et qu’on doit protéger.
C’est de la pure folie, un délire collectif et une manière tout à fait efficace de mobiliser l’attention du public qui, ainsi, cesse temporairement de réfléchir à des sujets sur lesquels il pourrait agir ou demander qu’on agisse…»
Tout cela est frappé au coin du bon sens. Pendant que nous sommes obsédés par le Coronavirus, le conflit en Syrie se rapproche d’un affrontement direct entre la Russie et la Turquie (voire l’OTAN) et le sultan Erdogan a mis en œuvre son chantage en ouvrant la digue aux migrants en direction de l’Europe. Il leur a indiqué le chemin sur les cartes, à la télévision. Je ne commenterai même pas les manœuvres boursières qui ont cours et qui m’échappent. Je reviendrai, masqué ou pas, sur la scandaleuse maltraitance de Julian Assange, dont le sort se joue ces jours-ci, mais qui n’intéresse plus que quelques idéalistes. Ceux-là mêmes qui n’ont rien à cirer de la grippe et des autres bobos lorsque le lanceur d’alerte n° 1 dans le monde risque l’étouffement et la mort.
Apocalypse ou grippe saisonnière, le spectre du Covid-19 est l’occasion d’un exercice grandeur nature de contrôle des foules. Or qu’est-ce qui est pire? Etre infecté en gardant sa tête ou désinfecté dans son enclos comme du bétail sans cervelle?
Suivons donc le conseil de Bernard Dugué qui, une fois de plus, appelle à raison garder:
«Pour info, il n’y a pas de vaccin contre la pandémie de peur. Il y a juste des sujets qui sont immunisés par la raison. Cela ne date pas d’hier. Déjà Platon connaissait les contrepoisons face aux émotions qu’un autre système du spectacle pouvait générer dans la Grèce antique, celui des poètes et des tragédiens. Alors, messieurs les journalistes, cessez d’être tragiques, ce virus est bien anodin.» («Il y a bien une pandémie de Covid-19 mais c’est une pandémie de la peur», 26.2.2020)
PS. — …Et si la grippe, de saison ou de confection, nous rattrape quand même, fions-nous au remède éprouvé des Corréziens: la «brûle»!
- Article de Slobodan Despot paru dans la rubrique «La poire d’angoisse» de l’Antipresse n° 222 du 01/03/2020.