Dirigé avec entrain par Nina Brissot-Carrel, Le Régional était le trait d’union de toute la Riviera lémanique et plus haut, entre Vevey et St-Maurice. À cause du confinement, il doit déposer le bilan. Ce 6 mai 2020, la direction a diffusé un communiqué déchirant. Nous le reproduisons ici in extenso, parce qu’il dépeint avec précision les conséquences du confinement dans la vie et l’économie réelles. Une réalité que les administrateurs de la panique ne semblent pas fréquenter de trop près.
Le «Régional» meurt, victime du Covid-19. Les mesures prises, avec un grand éditeur, pour résoudre ses difficultés financières plus anciennes, étaient à bout touchant mais ont été annulées par le confinement et l’arrêt de l’activité économique. L’effondrement publicitaire touche tous les titres, mais est fatal aux petits. Faute de liquidités, le journal doit cesser de paraître immédiatement et partira en faillite le 12 mai prochain.
Le «Régional» meurt, victime d’un réveil tardif des pouvoirs politiques, qui prennent aujourd’hui seulement des mesures urgentes, pour sauver ce qui peut encore l’être dans l’industrie des médias, si utile pourtant à la démocratie. A l’heure de sa dernière ligne, le journal déplore que les communes, dont la vie était décryptée chaque semaine, ne l’aient pas soutenu, par l’achat de pages communales notamment. L’aide à la presse vaudoise, dont le dispositif doit être validé par le Grand Conseil, n’était pas suffisante pour permettre un avenir du «Régional». Merci cependant au Canton de Vaud d’être si attentif à la diversité de la presse et d’y mettre des moyens.
Petite équipe basée à Vevey, Le Régional compte 9,3 postes équivalents plein temps et cinq commerciaux, qui, depuis le début de l’année, avaient été repris par la régie Impacmédias. Tous perdront leur emploi. Mais la décision de déposer le bilan, inéluctable, touche également des collaborateurs externes, mandataires indépendants, pigistes, photographes et correctrice, ainsi que deux apprentis polygraphes. La société de diffusion «P&P Distributions», basée à Corsier-sur-Vevey, et qui compte quelque 90 porteurs, subira également de très fortes conséquences.
«Le Régional» n’est pas en mesure, financièrement, de publier une dernière édition. Toute l’équipe aurait pourtant souhaité prendre congé de ses lecteurs, et revenir sur les moments cruciaux de la vie du journal: sa fondation, ses développements, ses premières grandes enquêtes et ses prix de journalisme. Pour montrer, si besoin est, à quel point «Le Régional» a été porté avec passion, par des collaborateurs, souvent en place de longue date.
En pleine période de réflexions politiques sur l’avenir et le financement de la presse, «Le Régional» est heureux d’avoir pu participer pendant tant d’années à la vie politique, culturelle, économique et associative des communes. Il accomplissait un vrai service public. Sa formule gratuite, souvent décriée dans la profession, permettait à chacun d’accéder à l’information locale et contribuait d’autant au débat démocratique. Les projections chiffrées établies ces dernières semaines, pour trouver une nouvelle formule, moins lourde en charges, démontre qu’un futur est possible pour des journaux locaux, mais pas dans les conditions-cadres actuelles.
Dès cette semaine, 127 000 ménages, du centre de Lausanne aux portes de St-Maurice, n’auront plus de porte-parole. Ils pourront retrouver les anciennes éditions en ligne sur le site [www.leregional.ch]. Et tous ceux qui le souhaitent pourront rédiger un petit mot sur le site Facebook du journal, à l’attention de l’équipe, qui a porté ce titre et qui dit un adieu, chargé de beaucoup d’émotions et de tristesse.