L’homme n’est pas un arbre et l’attachement est son malheur, il lui ôte son courage, amenuise sa confiance. En s’attachant à un lieu, l’homme accepte toutes les conditions, même défavorables, et se fait peur à lui-même avec l’incertitude qui l’attend. Le changement à ses yeux ressemble à un abandon, à la perte de l’investissement, quelqu’un d’autre va occuper son espace conquis et lui devra recommencer à zéro. L’ancrage est le véritable début du vieillissement, car l’homme est jeune tant qu’il ne craint pas les commencements. En demeurant sur place, il subit ou il attaque. En partant, il conserve sa liberté, il est prêt à changer de lieu et à modifier les conditions imposées.
— Meša Selimović, Le derviche et la mort.