Quel pays? se demandera-t-on. N’importe lequel. Tout lieu de cette terre qui est encore un pays et non pas seulement une zone. Tout lieu qui a son histoire, ses légendes, ses saveurs, ses accents, ses coutumes, ses cicatrices et ses tares qui lui donnent un visage unique, impossible à confondre avec un autre. Le mal du pays, ce n’est pas une simple nostalgie. C’est une question lancinante: où le cacher, comment le préserver, face au nivellement universel de la Modernité?
L’ennemi imaginaire
Nous avons désormais un bel ennemi extérieur, effrayant à souhait, et tellement bien venu pour resserrer nos rangs et faire taire les grincheux. Mais ce n’est pas le seul dans la palette des épouvantails utiles. De loin pas! On ne peut plus tourner le bouton de la radio sans tomber sur quelqu’un vous parlant de la «menace russe». Personne ne se demande si cette menace existe réellement: ce point est considéré comme acquis et n’est donc jamais examiné en lui-même. Certes, les gens ne sont pas toujours d’accord entre eux. Certains voudraient envoyer des troupes en Ukraine, d’autres non. D’autres encore parlent d’«économie de guerre»: où trouver l’argent? Mais il y a une ligne rouge que personne ne franchit jamais: celle, effectivement, qu’on franchirait si l’on disait que la «menace russe» n’existe pas, sinon dans la tête de ceux qui en parlent: en d’autres termes que c’est un pur produit de […]