Donneraient-ils de fausses réponses, comme à l’école? Mais leur rôle n’est-il point plutôt de poser les bonnes questions? C’est là qu’est leur faux-pas: ne pouvant tenir, par métier, la fausse promesse d’un réel «objectif», ils en faussent le jeu, par conviction. Ils auront beau se défausser de toute allégeance politique, une telle fiction finit un jour faillant par les prendre en défaut. Qu’ils jouent de faux-semblants n’en fait pas pour autant des faux-jetons. C’est sans fausse modestie qu’ils se plaisent au jeu des porte-à-faux. Mais choisit-on de, contre eux, s’inscrire en faux, tels d’anciens fausseurs, qu’on est assuré d’un faux-feu. Car les grands médias ne jouent plus les juges du faux et du vrai mais du «fake». Un faux-ami venant du vieux norrois fága pour «poli, brillant, clinquant», d’où le sens figuré de «pacotille, artificiel». Un champ sémantique néanmoins relié au «faux» par la morale. Dès lors que les grands médias ne sont plus garants que du brillant bon ton, c’est au nom de leur morale qu’ils atournent les causes […]
L’ennemi imaginaire
Nous avons désormais un bel ennemi extérieur, effrayant à souhait, et tellement bien venu pour resserrer nos rangs et faire taire les grincheux. Mais ce n’est pas le seul dans la palette des épouvantails utiles. De loin pas! On ne peut plus tourner le bouton de la radio sans tomber sur quelqu’un vous parlant de la «menace russe». Personne ne se demande si cette menace existe réellement: ce point est considéré comme acquis et n’est donc jamais examiné en lui-même. Certes, les gens ne sont pas toujours d’accord entre eux. Certains voudraient envoyer des troupes en Ukraine, d’autres non. D’autres encore parlent d’«économie de guerre»: où trouver l’argent? Mais il y a une ligne rouge que personne ne franchit jamais: celle, effectivement, qu’on franchirait si l’on disait que la «menace russe» n’existe pas, sinon dans la tête de ceux qui en parlent: en d’autres termes que c’est un pur produit de […]