En ce pays, le peuple est une faction dormante et l’on dirait parfois qu’il ne croit plus à rien, hors à ses intérêts. Sous ce rapport, il est sans doute mieux loti que les vingt générations antécédentes, mais sans idées qu’est-ce d’un peuple? Il a perdu ce qu’il aura gagné, ses droits de bourgeoisie l’ont vidé de sa substance idéologique et n’étant même plus religieux, il en paraît réduit aux choses, avec — pour consolation suprême — un nombre immense d’étrangers, dont l’infinie misère ajoute à son ravissement et lui permet de se sentir nanti. Les Français mitoyens ont plus de bonheur que jamais, mais c’est un bonheur subalterne, où les idées ne sont pour rien ou m’entrent que pour peu de chose, un bonheur animal, végétal, minéral enfin et dont ils se contentent.
— Albert Caraco, Simples remarques sur la France