Si la révolte des Européens a une voix et un visage, c’est la voix de Chay Bowes et le visage de son père. Ce récit de vie est comme un condensé du cul-de-sac tragique où les «élites» européennes ont conduit leurs peuples.
Mon père a 84 ans.
Il est né pauvre en 1940 dans l’un des immeubles de rapport de Dublin sur Mercer Street, à quelques pas du parc de St Stephens Green, aujourd’hui quartier chic, huit pièces abritant treize familles avec un seul cabinet de toilette à l’extérieur.
Il a payé ses impôts toute sa vie. Il a travaillé dans une entreprise d’État en payant des taux assommants d’impôts et de taxes, tout cela après avoir été contraint, comme des millions d’autres Irlandais, de chercher de quoi vivre en Grande-Bretagne parce que le petit État vaticanesque dans lequel il était né n’avait pas de place pour les Dublinois de la classe ouvrière.
Il a respecté les limitations de vitesse, acheté sa propre maison, suivi toutes les règles, courbé l’échine et joué le jeu.
Aujourd’hui, l’État irlandais va lui prendre sa maison. Il a travaillé toute sa vie pour payer ses soins s’il en avait besoin, mais le système de santé grossièrement dysfonctionnel qu’il a payé avec ses décennies de labeur est incapable de s’occuper de lui ou de sa femme, malgré les budgets de plusieurs milliards d’euros qu’il engloutit. Il est, comme le reste des fonctionnaires calamiteux de l’État irlandais, assailli par une culture de la permacrise, de la microcorruption et de l’ineptie.
Ce qui attend ses petits-enfants et arrière-petits-enfants est un destin bien plus sombre que celui qui était le sien lorsqu’il a grandi à Dublin.
Pas de maison. Pas de soins de santé et pas d’espoir, le tout administré par une classe politique zombie endémiquement dysfonctionnelle, composée d’apparatchiks obsédés par l’UE qui se bercent volontairement d’illusions.
Pendant ce temps, cette même élite politique putride colporte la célébration fantaisiste d’une «Irlande évoluée».
Une Irlande où le rêve éveillé prend le pas sur les besoins de la grande majorité, une majorité abandonnée à une illusion dictée par l’UE et racontée par des mass medias véreux, terrifiés à l’idée de remettre en question les mêmes maîtres qu’ils sont payés pour défendre sur leurs ondes et dans leurs pages.
Une Irlande où une petite élite obsédée par le vert exerce une influence largement disproportionnée sur notre paysage politique. Une Irlande où nous avons complètement oublié qui nous sommes et ce que nous sommes en tant que société, une Irlande où le bien-être du peuple est une concession plutôt que la raison d’être du gouvernement.
Alors que mon père approche de la fin de son voyage, ceux qui ont la malchance d’entamer le début du leur sont confrontés à une triste réalité: ils ne seront jamais propriétaires d’une maison irlandaise, ne pourront jamais se permettre d’élever une famille irlandaise et ne pourront certainement jamais faire de leur propre pays leur maison; contrairement à un énorme afflux de «nouveaux Irlandais», ils ne recevront que peu ou pas d’aide de l’État que leurs ancêtres ont construit.
Comme mon père, ils devront quitter l’Irlande pour trouver leur voie, tandis que les politiciens vassaux de l’UE en charge de notre République bananière blâmeront n’importe qui d’autre qu’eux-mêmes pour l’échec ignoble vers lequel eux et leurs prédécesseurs nous ont conduits.
Les mots d’un grand Irlandais, souvent incompris, résonnent dans mes oreilles ce soir.
Laissez-les résonner dans les vôtres:
«Et je dis aux maîtres de mon peuple: Méfiez-vous,
Méfiez-vous de la chose qui vient, méfiez-vous du peuple ressuscité,
qui prendra ce que vous n’avez pas voulu donner.
Avez-vous pensé vaincre le peuple?
Ou que la loi est plus forte que la vie et que le désir des hommes d’être libres?
Nous allons en faire l’essai avec vous, vous qui avez harcelé et retenu,
Vous qui avez intimidé et soudoyé, tyrans, hypocrites, menteurs!»(1)
- Chay Bowes est journaliste en Irlande. Texte original sur X traduit par Slobodan Despot.
NOTE
- Extrait du Rebelle, poème de Patrick Pearse.
- Article de Chay Bowes paru dans la rubrique «Désinvité» de l’Antipresse n° 453 du 04/08/2024.