«Gaspard des montagnes» d’Henri Pourrat

par | 16.01.2022 | Lisez-moi ça!, Slobodan Despot

Attention chef-d’œuvre! On y comprend, jusqu’à le toucher du doigt, tout ce que l’humanité a perdu en gagnant les villes et en quittant les champs.

Ce qu’il apporte

Divisée en veillées et en pauses, cette histoire, qui tient de la geste, nous transporte dans un autre temps, le début du XIXe siècle, et dans un autre lieu, l’Auvergne de cette époque. Tout se passe dans les alentours d’Ambert. Une jeune fille, laissée seule dans la ferme de ses parents par un concours de circonstances, échappe à un grand danger grâce à un geste brutal, assez insolite. Toutes les péripéties du récit en découlent. Les protagonistes nouent leur destin autour de cet acte fondateur. Comme dans beaucoup de récits d’un autre temps, ce sont certains principes d’honneur qui régissent les actes. Anne-Marie, même si elle vit de terribles évènements (rien ne lui sera épargné), ne donne pas aveuglément son accord pour une vengeance somme toute assez légitime.

«Si elle se gouvernait autrement, elle ne trouverait plus son droit chemin.»

Toujours est-il qu’elle a le cœur bien accroché, car certaines scènes donnent froid dans le dos! Malandrin et la bête du Gévaudan ne sont pas loin! Pourrat nous tient en haleine tout au long de ces veillées, narrant les rebondissements dans une langue qui contient le vocabulaire et les tournures de ce pays, et nous fait approcher l’âme de ses habitants. En quelque sorte, il a reconstitué un monde. Celui-ci était fait de personnages pittoresques, effrayants parfois; de légendes indissociables de cette nature qui garde ses prérogatives; de gens simples: «Ils menaient la besogne de chaque jour qui se faisait presque sans qu’on y songe.» C’est cette modestie qui souligne la profondeur et la consistance des occupants de ce monde-là.

Ce qu’il en reste

On ne boude pas son plaisir de lire près de mille pages d’un roman d’aventures. On peut dater l’action, car certains hommes sont conscrits pour traverser l’Europe avec Napoléon. Gaspard, parti à la ville chercher quelque instruction, puis revenu, contribue à quelques réformes sur la gestion des parcelles. Mais c’est tout. Le reste est fait des âmes de cette contrée du Massif central. Les légendes et le merveilleux sont admis, accompagnés et remédiés par le bon Dieu et ses exigences.

«Le bonheur, le malheur, n’importe. Ce n’est pas tellement vers la joie, vers la peine, qu’on a choisi d’aller. On a choisi d’aller vers autre chose.»

On comprend que les contingences font de jolis récits de veillées, mais que les conduites, sans y toucher, transfigurent même la nature. A ce titre, l’ascension vers l’Ermitage, «le paradis», est une fresque chatoyante, presque naïve, comme celles de l’époque romane. Bref, de la poésie à l’état pur, reposant sur un propos d’une simplicité sans artifice.

«Il voulait la revoir comme il l’avait vue un matin, sous un cerisier: ô Anne-Marie, rose alors, plus rose que cette heure de six heures, avec je ne sais quel étincelant du bon grand courage sur la joue, et tout l’été de la montagne en son regard.»

A qui l’administrer?

Ce livre est parsemé de bouleversantes surprises. Jusqu’à son «congé», à la fin de l’histoire. Certains y trouveront à coup sûr matière à réflexion, à édification même. On comprend ici, comme ailleurs, que l’homme a beaucoup perdu en gagnant les villes et en quittant les champs. Et quelle écriture! Chef d’œuvre! Émerveillement garanti.

  • Henri Pourrat, Gaspard des montagnes, (Albin Michel, 1922-1931).

  • Article de Anne Demonet paru dans la rubrique «Lisez-moi ça!» de l’Antipresse n° 320 du 16/01/2022.

On peut aussi lire…

This category can only be viewed by members. To view this category, sign up by purchasing Club-annuel, Nomade-annuel or Lecteur-annuel.

Des tribunaux en guerre contre l’intelligible

Pour avoir rappelé une évidence biologique, un humble réparateur d’instruments de musique finit au trou. Cela ne se passe pas dans l’URSS du temps de Soljenitsyne, mais dans l’Helvétie du XXIe siècle. Après le cas Soral, l’affaire Brünisholz confirme l’instauration d’une «variante alpine du soviétisme». Dont les conséquences pour l’édifice juridique sont cataclysmiques.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Semainier de la confusion

Le carnaval des squelettes d’automne. Un tatouage aperçu aux bains. Un immense drapeau européen déroulé à Belgrade. Un personnage douteux reçu à Moscou. Des phénomènes apparemment sans aucun lien entre eux et qui pourtant désignent un même horizon que l’âme pressent mais que la raison se refuse à contempler.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Bibliographies i-maginaires…

Dans le dernier numéro de l’Antipresse (AP515), nous avons inséré un canular bibliographique suggéré par une IA. Il est passé comme une lettre à la poste. Cela donne à imaginer l’ampleur des fumisteries disséminées dans les publications «sérieuses» et déjà recyclées comme «sources vérifiées» par ces mêmes robots-perroquets…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Un si désirable anéantissement

Une guerre frontale en Europe aujourd’hui signifierait la destruction du continent et peut-être même de l’humanité. On ne peut pas imaginer que nos dirigeants n’en soient pas conscients. Si, par conséquent, ils parlent de guerre, ce ne peut être que pour la conjurer. Ou bien un effet d’ironie…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Se réapproprier le passé

A mesure que les années passent, «nos actes nous suivent», notre vie passée nous revisite et nous hante, et ce d’autant plus que nous ne pouvons plus rien y changer. Y a-t-il un remède à cette impuissance?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Un impôt peut en cacher un autre

O miracle! Les Suisses viennent de supprimer un impôt bizarre et révoltant. Mais dans la foulée, ils ont peut-être aussi «jeté le bébé avec l’eau du bain». Entre protection et spoliation, il existe un éternel mouvement de balancier. Comment éviter le déséquilibre?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Mateusz Piskorski: «La Pologne agit contre elle-même»

La Pologne est l’un des États les plus belliqueux du bloc occidental face à la Russie. On a pu croire que l’élection de Karol Nawrocki cet été conduirait à une attitude plus équilibrée et plus rationnelle, mais tel ne fut pas le cas. Or, les Polonais sont loin de partager, tous, la russophobie «structurelle» du pouvoir politique. Les analyses nuancées d’un Mateusz Piskorski en sont un exemple.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

La prochaine guerre n’aura pas lieu

Les tribus primitives croient qu’à force d’invoquer la pluie, elle finit par tomber. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’on invoque sans cesse la guerre, qu’on dit ne pas vouloir, mais qu’on veut en fait très fort (mais sans le crier trop haut)?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

E-ID: puissance d’agir et levier de contrôle

Vous voulez acheter, signer, accéder partout et tout de suite? Alors, vous déléguez à une infrastructure le soin d’établir la preuve de qui vous êtes. Côté face, vous vous démultipliez; côté pile, l’infrastructure vous tient par le service même qu’elle vous rend.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’Antidote!

Chaque dimanche matin dans votre boîte mail, une dose d’air frais et de liberté d’esprit pour la semaine. Pourquoi ne pas vous abonner?

Nous soutenir

Ne lisez pas ce message!

Les sites internet sont compliqués, lents, pleins d’obstacles.
Les lettres sont personnelles et sûres.
Les choses essentielles ne sont pas placardées sur les murs: elles sont dites dans des lettres.
C’est pourquoi l’Antipresse est une lettre-magazine adressée à ses abonnés.
Vous vous abonnez une fois et vous n’aurez plus jamais besoin de voir cette fenêtre, ni même ce site.

Pour cela, il vous suffit de vous abonner ici (ou de vous connecter si vous êtes déjà dans le cercle).

Merci ! Un message de confirmation va vous parvenir.