Nous avons parlé la semaine dernière de la neutralité suisse en disant que ce qui s’est passé en 2022 n’était pas en soi une nouveauté, puisqu’en fait la Suisse n’a jamais été neutre. La seule nouveauté, si nouveauté il y a, est que l’ancien rideau de fumée s’est dissipé. Il n’y a plus de rideau de fumée, la réalité s’offre désormais directement au regard. Elle est là toute nue, On aime ou on n’aime pas, mais on ne peut plus se payer de mots.
La Suisse ou le pivot du monde (1)
Pendant plus de mille ans, l’Occident fut le centre du monde. Et ce centre avait un cœur d’où descendaient ses eaux et par où passaient ses routes capitales: la Suisse. Si la civilisation globale, comme l’a dit l’historien Nicolas Troubetzkoy, est une invention de *l’égocentrisme romain-germanique*(1), le bloc alpin peuplé par les Suisses a joué un rôle essentiel dans cette invention. Un pays doté d’une histoire et d’une personnalité aussi singulières peut-il se noyer dans le marasme ambiant? Ses propres dirigeants, aujourd’hui, semblent penser que oui. On peut juger leur empressement à s’autoeffacer un peu… prématuré.