« Lucifer parlait au roi de la bourse, un pitoyable petit vieux tout maigre dont le visage faisait penser à un antique masque de cuivre. Les taches vertes et brunes de ses joues accentuaient la ressemblance. Lucifer parla du veau d’or, du culte de Mammon, de la soif de richesses et des délices qu’il saurait insuffler à l’humanité. Le vieillard l’écouta, puis il lui dit : — Ce discours du matérialisme brutal que vous tenez m’est étranger. Nous sommes des spiritualistes, défenseurs des idées, fervents apôtres de l’idéalisme. Nous sommes les puritains de la nouvelle morale, de la morale mathématique simplifiée de l’offre et de la demande, de la vente et de l’achat… Je ne me nourris moi-même que de fruits, de lait, de légumes et de chocolat. Nous sommes les pauvres gardiens des trésors, les maîtres des richesses. Nous sommes les organisateurs du chaos. Notre royaume n’est ni concret ni matériel. […]
«L’école de la chair» de Mishima
En submergeant le Japon, la Modernité a secoué un antique édifice de règles et de traditions. Pour le meilleur ou pour le pire? Le roman de Mishima laisse la question délicatement et douloureusement ouverte.