Le mieux est l’ennemi du bien, disait-on jadis en Suisse. Comme le bien ne suffit pas, l’administration alliée à l’aile écolo-dirigiste propose de réduire férocement les émissions de CO~2 dans le pays. Mais personne ne songe à s’interroger sur l’impact concret de cet effort de taxation et de réglementation.
Comme la Suisse ne vit pas isolée du reste de l’atmosphère terrestre, il est instructif de mettre en perspective cette initiative idéaliste en regard de l’environnement global.
Solution n° 1: interdire à l’humanité de respirer(1)
Un être humain produit en moyenne, par sa seule respiration, environ 1 kg de CO~2 par jour.
Rapporté à la population mondiale, cela représente 7.9 milliards de kg par jour, ou 2.88 milliards de tonnes de CO~2 par année.
La croissance de la population mondiale est de 1.1% par an, soit, par la seule respiration de ses habitants, une augmentation de 31.7 millions de tonnes de CO~2 chaque année.
La Suisse produit environ 40 millions de tonnes de CO~2 par année, dues à la consommation d’énergies fossiles, tous secteurs confondus (transport, chauffage, industrie,…)
Si la Suisse applique une politique «carbone neutre» en votant la loi CO~2, ce sont donc 40 millions de tonnes de CO~2 par année qu’il faudrait faire disparaître.
Ces 40 millions de tonnes seront compensés en moins de 16 mois par la seule augmentation de la population humaine, agissant comme source de CO~2 simplement en respirant…
Alors que les conséquences de ce «virtue signalling» sur la population suisse déploieront leurs effets pendant des décennies…
Solution n° 2: arrêter totalement l’économie globale
L’activité humaine produit globalement 36.44 milliards de tonnes de CO~2 annuellement (2019).
Entre 2000 et 2019, la croissance de CO~2 a été de 1.97 % par an.
En supposant une croissance de CO~2 réduite à 1.3% par an (efforts faits globalement), la quantité de CO~2 supplémentaire produite serait donc de 36.44 mia x 1.3% = 473 millions de tonnes de CO~2 tous les 12 mois.
La Suisse produit environ 40 millions de tonnes de CO~2 par année (0.11 % du CO~2 mondial), dues à la consommation d’énergies fossiles, tous secteurs confondus (transport, chauffage, industrie,…)
Si la Suisse applique une politique «carbone neutre» en votant la loi CO~2, ce sont donc 40 millions de tonnes de CO~2 par année qu’il faudrait faire disparaître.
Ces 40 millions de tonnes seront compensés en un mois par la seule augmentation de l’activité économique mondiale…
En d’autres termes, les effets attendus d’un vote positif le 13 juin seraient complètement compensés (annulés) le 13 juillet qui suit!
Alors que les Suisses continueront à en souffrir en 2035, 2050 et au-delà.
Conclusion: et si l’on cessait de donner des leçons au monde?
On le voit par ces calculs simples: cette nouvelle couche de bureaucratisation de l’activité économique — et de la vie quotidienne — en Suisse n’aurait aucun impact sur l’environnement. A moins de placer le pays sous une cloche de verre, bien entendu. Certes, diront nos idéalistes, mais il faut bien que quelqu’un donne l’exemple. Quelle dose de présomption faut-il avoir pour penser que les économies en développement, la Chine, l’Indonésie ou le Mexique cesseront de respirer pour suivre l’exemple de la vieille Suisse, prêchant du haut de son niveau de vie inégalable?
Une réaction d’incrédulité, ou de rire, est beaucoup plus probable.
- Jean-Christophe de Mestral est physicien, financier, entrepreneur, municipal, proche du terrain, conférencier — notamment dans le domaine de l’énergie — et passionné de physique du climat.
NOTE
- Ces chiffres, soulignons-le, sont des mises en perspective, et ne correspondent pas forcément à une réalité physique! On nous rétorquera qu’un être humain est du point de vue du carbone un «système fermé» puisqu’il ingère le CO~2 capturé par sa nourriture avant de le ré-émettre par sa respiration… Mais la terre est aussi un système fermé à ce point de vue, et l’atmosphère un système quasi-fermé (le taux de CO~2 fluctue tout de même).