Et si la décision d’imposer le confinement était basée sur des conjectures mathématiques approximatives?

par | 17.05.2020 | En accès libre, Passager clandestin, Slobodan Despot

Docteur en philosophie, éditorialiste et chroniqueur de grands journaux et vulgarisateur scientifique, Matt Ridley est l’auteur d’une série de best-sellers dans le domaine anglo-saxon. Il se définit comme un «rationaliste optimiste». Après la démission de Neil Ferguson, il a cosigné avec le député David Davis une interpellation concise, mais essentielle sur les méthodes «scientifiques» par lesquelles on a poussé les gouvernements à prendre une mesure d’une violence extrême et historiquement inouïe: mettre en quarantaine les populations saines de pays entiers.

La machine de Robinson

Le professeur Neil Ferguson, de l’Imperial College, s’est «mis en retrait» par rapport au groupe SAGE (Scientific Advisory Group for Emergencies, NdT) qui conseillait les ministres après qu’on eut révélé ses entorses galantes à la règle du confinement. Peut-être aurait-il dû en être écarté pour un faux pas plus conséquent. Les détails du modèle que son équipe a échafaudé pour prédire l’épidémie se font jour et ils ne sont pas beaux à voir. Selon les mots respectifs de quatre modélisateurs expérimentés, son code est «profondément criblé de bogues», c’est «une machine de Robinson assez arbitraire» qui charrie «d’énormes blocs de code — une mauvaise pratique» et constitue «très probablement le pire code de production que j’aie jamais vu».

Lorsque les ministres font des déclarations politiques en matière de coronavirus, ils affirment invariablement qu’ils «écoutent la science». Mais la science de pointe est désordonnée et peu claire, c’est une joute d’idées arbitrée par les faits, un processus de conjecture et de réfutation. Cela n’est pas nouveau. Il y a près de deux siècles, Thomas Huxley décrivait la «grande tragédie de la science» comme «l’assassinat de belles hypothèses par des faits moches.»

En l’occurrence, «la science» désigne en fait le modèle du Collège Impérial, qui prédit potentiellement des centaines de milliers de morts, et sur la base duquel le gouvernement britannique a instauré le confinement en mars. Les conseils de la commission SAGE ont un impact énorme sur la vie de millions de personnes. Pourtant, la commission se réunit en privé, ne publie aucun compte rendu et, jusqu’à ce qu’elle ait été mise sous pression, ne publiait même pas le nom de ses membres. Nous avons pris des décisions sur la base des oracles d’une boîte noire, verrouillée qui plus est.

Il est devenu courant pour les pronostiqueurs financiers, le Trésor, les climatologues et les épidémiologistes de citer les résultats des modèles mathématiques comme s’il s’agissait de «preuves». Une utilisation correcte des modèles consiste à passer les théories de systèmes complexes au crible des faits. Si d’aventure nous voulons fonder des prévisions et des politiques sur des modèles, nous devons être en mesure de vérifier leur exactitude, en particulier lorsqu’ils sont à l’origine de décisions impliquant la vie et la mort. Tel n’a pas été le cas avec le modèle du Collège impérial.

Au moment du confinement, le modèle n’avait pas encore été communiqué à la communauté scientifique. Lorsque Ferguson a finalement rendu public son code la semaine dernière, il s’agissait d’un programme remanié, différent de la version lancée le 16 mars.

On ne peut pas dire que le bilan de Ferguson soit brillant. En 2001, la modélisation de l’équipe de l’Imperial College a conduit à l’abattage de 6 millions de têtes de bétail et a été critiquée par les experts en épidémiologie comme gravement défectueuse. Au début des années 2000, Ferguson a prédit jusqu’à 136 000 décès dus à la maladie de la vache folle, 200 millions du fait de la grippe aviaire et 65 000 de la grippe porcine. À chaque fois, le bilan en vies humaines s’est situé à l’échelle des centaines. Dans le cas présent, lorsqu’une équipe suédoise a appliqué à la stratégie de son propre pays le modèle modifié que l’Imperial College a rendu public, elle a prédit 40 000 décès au 1er mai, soit 15 fois trop.

Nous savons maintenant que le logiciel du modèle est un programme vieux de 13 ans avec 15 000 lignes de code qui simule les maisons, les bureaux, les écoles, les personnes et les mouvements. Selon une équipe de l’université d’Édimbourg qui l’a fait fonctionner, les mêmes données de départ donnent des résultats différents; le programme donne également des résultats différents s’il est exécuté sur des machines différentes, et même s’il est exécuté sur la même machine en utilisant un nombre différent d’unités centrales de traitement.

Pire encore, le code ne permet pas de grandes variations entre les groupes de personnes en ce qui concerne leur sensibilité au virus et leurs connexions sociales. Une infirmière infectée dans un hôpital est susceptible de transmettre le virus à beaucoup plus de personnes qu’un enfant asymptomatique. L’introduction d’une telle hétérogénéité montre que le seuil requis pour atteindre une immunité collective avec une distance sociale modeste est bien plus bas que les 50 à 60 % impliqués par le modèle de Ferguson. Un modélisateur expérimenté nous dit que «(s)a propre modélisation suggère que 10 % à 30 % suffiraient, selon les hypothèses».

Les données suédoises le confirment. En dépit de mesures de distanciation sociale modérées, l’épidémie a cessé de croître dans le comté de Stockholm à la mi-avril et s’est depuis fortement réduite, ce qui implique que le seuil d’immunité collective a été atteint au moment où quelque 20 % de la population était immunisée, selon les estimations de l’autorité suédoise de santé publique.

La nature presque confidentielle du débat scientifique au sein de la SAGE, les méthodes de programmation opaques de l’équipe de l’Imperial College, l’indisponibilité du code pour les tests et la révision au moment de la décision, les hypothèses non vérifiées intégrées dans le modèle, tout cela nous inspire une question préoccupante. Avons-nous fondé l’une des plus importantes décisions politiques jamais prises en temps de paix sur des conjectures mathématiques approximatives?

  • The Telegraph, 10 mai 2020. Traduit de l’anglais par Slobodan Despot.

  • Article de Matt Ridley paru dans la rubrique «Désinvité» de l’Antipresse n° 233 du 17/05/2020.

On peut aussi lire…

This category can only be viewed by members. To view this category, sign up by purchasing Club-annuel, Nomade-annuel or Lecteur-annuel.

La France machine de guerre

Certains croient que les préoccupations des prochains gouvernements seront le chômage, la dette et l’insécurité. Qu’ils se détrompent. Aucune de leurs préoccupations ne sera commune avec celles du peuple français.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Les mots et le plomb

Le 10 septembre 2025, Charlie Kirk, président d’une association d’étudiants conservateurs et soutien clef de la campagne de Donald Trump, était abattu d’une balle dans la carotide pendant une réunion en plein air dans l’Utah. Le jeune père de 31 ans laisse une veuve et deux enfants. L’onde de choc provoquée par cet assassinat est considérable, mais elle ne fera que s’amplifier.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Perdre sa liberté… et au-delà

Jamais on n’avait vu pareil étalage de servitude en Europe. Mais au-delà de la servitude se pose le problème de la corruption. C’est-à-dire, en l’occurrence, de l’éloignement dramatique de notre système de toutes les valeurs et finalités pour lesquelles il était conçu.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Sommes-nous des machines?

Partant d’une question juridique sur l’intelligence artificielle, on bute sur le trouble profond qui affecte la perception que nos contemporains ont de leur propre humanité. Comme quoi, le problème de l’IA est moins dans l’évolution de la machine que dans l’involution de l’humain…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

La guerre moderne et le culte du Néant

A Hiroshima, on a délibérément visé des civils. La technologie était nouvelle, mais non le procédé. En réalité, la guerre moderne a repéré le civil comme un maillon faible dans le dispositif adverse et par conséquent une cible légitime. De quoi nous parle cette évolution?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

La Chaîne du Malheur compte sur vous!

Au temps de leur tradition humanitaire, les Suisses contribuaient généreusement à la Chaîne du Bonheur. Depuis, le vent a changé et l’on préfère désormais alimenter la discorde. Nous lançons donc l’idée de la Chaîne du malheur, organisation vindicative suisse pour l’aide aux conflits. Et, comme auparavant, la télévision de service public y contribue avec ses inénarrables animateurs.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Qui doit être opaque: le citoyen ou l’État?

Au nom de la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité, la Suisse s’apprête à imposer aux fournisseurs numériques la conservation proactive des «métadonnées». Devant cette brèche dans la protection de la vie privée, Proton menace de quitter le pays. Cette annonce soulève une question essentielle dans une société attachée à la liberté personnelle: la transparence doit-elle être exigée des citoyens ou des gouvernants?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Camus et la sauvagerie nucléaire

Pendant que les médias de grand chemin se livraient à des commentaires «enthousiastes» sur le massacre d’Hiroshima, Albert Camus prenait une fois de plus le contrepied des illusions suicidaires. Il nous aura fallu, peut-être, quatre-vingts ans de distance pour comprendre la gravité de ses mises en garde.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Quand un Chinois découvre l’«humour allemand»

Ai Weiwei est un artiste et brasseur d’idées mondialement connu. Un magazine allemand lui a demandé de livrer ses réflexions sur ce pays. La réponse fut trop honnête et brutale. Amusé par la frilosité de ses hôtes, Weiwei l’a publiée sur son blog personnel. Ses observations sont caustiques et parfois étonnamment profondes. Elles en disent long sur le «Zeitgeist» totalitaire en Europe, vu par un Asiatique…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Ce que la Guerre froide nous cachait

En ce temps-là, Éric Werner était antisoviétique, voire atlantiste. Comme Raymond Aron, comme Camus. Et, dans leur époque, ils avaient raison: la liberté était bien «ici». Comment auraient-il pu deviner la vilaine plaisanterie que l’histoire allait leur jouer?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’Antidote!

Chaque dimanche matin dans votre boîte mail, une dose d’air frais et de liberté d’esprit pour la semaine. Pourquoi ne pas vous abonner?

Nous soutenir