« Il n’est plus de modèle en France et cela paraît surprenant en un pays qui servait de modèle au quart de l’univers. La France n’est pas gouvernée, elle est administrée, elle a des maîtres invisibles, ces maîtres n’oseraient sortir de l’ombre qu’ils habitent, leur rôle n’est pas d’inspirer les règles ni de présider aux formes, leur puissance était viagère et leur crédit douteux. Pays sans cour, aréopages ni salons, il n’a plus que des gazetiers et que des bateleurs à la dévotion des maîtres invisibles. Quels sont les premiers de l’État ? À Rome, sous la décadence, ce furent parfois les cochers et les gladiateurs, ils amusaient le peuple et fixaient les regards, nous sommes un peu revenus à ces merveilles, nos dieux vivants sont des jongleurs et des athlètes. Qui peut ici donner le ton ? Qui peut déterminer la valeur d’un artiste et la portée d’une œuvre Les maîtres invisibles de la France ? Non, il faudrait que ces gens-là se montrassent. Leurs créatures ? Elles se montrent bien, mais qu’est-ce qu’elles prouvent ? Ce sont des météores de feu d’artifice que l’on avait placés à l’endroit le plus convenable, ils sortent avec fracas de leur boîte et servent à l’amusement d’un peuple, sans doute moins joyeux, quand d’aventure il se retrouve. »
— Albert Caraco, La France baroque (éd. L’Age d’Homme)