Un passant siffle un air au moment précis où l’on remarque le reflet d’une branche dans une flaque qui à son tour et simultanément rappelle un mélange de feuilles humides et d’oiseaux excités dans un vieux jardin, et ce vieil ami depuis longtemps décédé sort brusquement du passé, souriant et fermant son parapluie qui dégouline. L’ensemble ne dure qu’une radieuse seconde et le mouvement des impressions et des images est si rapide qu’il vous est impossible d’identifier les lois exactes qui président à leur reconnaissance, leur formation et leur fusion… C’est comme un puzzle qui s’assemble instantanément dans votre cerveau, le cerveau lui-même étant incapable d’observer comment et pourquoi les pièces s’emboîtent, et vous éprouvez alors une sensation frémissante de magie sauvage.
— Vladimir Nabokov, «L’art de la littérature et le bon sens», Conférences sur la littérature (traduit de l’anglais par Slobodan Despot)