J’ouvre à nouveau l’étrange petit livre dont tout le christianisme est issu, et je suis à nouveau hanté par une sorte de confirmation. La figure extraordinaire qui remplit les Évangiles domine à cet égard, comme à tous les autres, tous les penseurs qu’on a jamais considérés comme grands. Son pathos était naturel, presque désinvolte. Les stoïciens, anciens et modernes, étaient fiers de cacher leurs larmes. Lui n’a jamais caché Ses larmes; il les montrait à qui voulait les voir sur Son visage ouvert, comme une vue lointaine de sa ville natale. Pourtant, Il cachait quelque chose. Les surhommes solennels et les diplomates impériaux sont fiers de contenir leur colère. Lui n’a jamais contenu Sa colère. Il a jeté des meubles dans les marches du temple et a demandé aux hommes comment ils comptaient échapper à la damnation de l’enfer. Pourtant, Il contenait quelque chose. Je le dis avec révérence: il y avait dans cette personnalité bouleversante un trait de caractère que l’on pourrait qualifier de timidité. Il y avait quelque chose qu’il cachait à tous les hommes lorsqu’il montait sur la montagne pour prier. Il y avait quelque chose qu’Il dissimulait constamment par un silence abrupt ou un isolement impétueux. Il y avait une chose trop grande pour que Dieu nous la montre lorsqu’Il marchait sur notre terre, et j’ai parfois songé que c’était Sa gaieté.
— G.K. Chesterton, Orthodoxie (trad. SD)