Il est rare que les mouvements de foule spontanés ne soient pas, en fait, plus ou moins manipulés. Et l’on imagine aussitôt une sorte de chef d’orchestre tout-puissant, grand manipulateur en chef tirant sur des milliers de ficelles dans tous les pays du monde et secondé par des solistes de génie. Il semblerait que rien n’est plus faux… Le monde semble soumis, non pas à un chef d’orchestre identifié, mais à une nouvelle bête apocalyptique, une sorte de monstre anonyme doué d’ubiquité et qui se serait juré, dans un premier temps, la destruction de l’Occident. La bête n’a pas de plan précis. Elle saisit les occasions qui s’offrent, la foule massée au bord du Gange n’étant que la dernière occasion en date et sans doute la plus riche de conséquences. Peut-être est-elle d’origine divine, plus certainement démoniaque? Ce phénomène peu vraisemblable, né il y a plus de deux siècles, a été analysé par Dostoïevski.
— Jean Raspail, Le Camp des Saints