Olivier Moos: les Jacobins de l’Antiracisme

par | 6.09.2020 | En accès libre, Passager clandestin

Olivier Moos a un doctorat en Histoire contemporaine (EHESS et Université de Fribourg). Il nous a proposé en 2019 une réflexion posée sur les idées directrices de la grève des femmes du 14 juin. Cette fois-ci, il se penche de manière rationnelle et distanciée sur le phénomène «Black Lives Matter».

Son analyse est un véritable petit livre. Nous le proposons en téléchargement libre aux formats PDF et e-book (liens au bas de l’article). En guise d’introduction, nous lui avons posé quelques questions au sujet de son travail.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous pencher sur ce phénomène?

Un mélange de frustration et de curiosité. La grande presse n’a que rarement offert une analyse dépassant l’événementiel: des séries de manifestations spontanées, motivées par l’indignation causée par la vidéo de la mort de Georges Floyd à Minneapolis, avec diverses formes de violence sur leurs marges. À bien des égards, le phénomène a été décrypté à la lumière des slogans des manifestants. Or il m’a semblé que c’était plutôt le gouffre entre la réalité du racisme dans les pays occidentaux et les hyperboles catastrophistes des militances antiracistes qui méritait interrogation.

En somme, j’ai voulu tenter d’expliquer le très rapide glissement de la mort d’un Afro-Américain dans une ville qu’aucun Européen ne sait placer sur une carte, au vandalisme de la statue de Winston Churchill à Londres. Ce n’est pas l’indignation morale mais le cadrage idéologique des événements qui explique ce glissement.

Vous sentez-vous libre dans votre pensée et votre expression en abordant ce sujet hautement explosif?

Dans le contexte francophone, oui. Le sujet n’est délicat que dans la mesure où nous laissons, par couardise ou par paresse, les zélotes donner le tempo du débat public et décider des opinions légitimes. Je m’attends aux inévitables ad personam mais, dans l’ensemble, je crois que ma position est raisonnable. Quant à savoir si elle est pertinente, c’est une autre question.

La tabula rasa culturelle qu’on observe aux États-Unis est-elle comparable avec ses répliques sur le Vieux Continent? De manière générale, quelle est l’extension géographique et géopolitique du phénomène?

Black Lives Matter n’est qu’une des manifestations contingentes d’un phénomène plus large qui s’apparente à une révolution culturelle, c’est-à-dire le rejet de la tradition humaniste et libérale au profit d’une vision antiscientifique et la quête d’une Justice cosmique, d’un égalitarisme absolu. Le bon sens est envoyé en Sibérie, l’universalisme fait place à un archipel d’identités, l’individualisme est noyé dans le collectif. Ce n’est pas un hasard si ce phénomène s’accompagne d’une obsession de la pureté et du péché, une certitude d’infaillibilité morale, une peur du blasphème, des rituels d’expiation…

Sa portée et son impact sont difficiles à mesurer, mais il est clairement observable, avec des degrés d’intensité très variables, dans les champs culturels d’abord nord-américain, puis par contagion européens.

Malgré ce label d’origine, les comportements que vous identifiez sous le terme de la tabula rasa culturelle — les appels à la censure dans les campus des universités de l’Ivy League, les législations du langage, la «décolonisation» de nos mémoires historiques, le nettoyage des productions culturelles — sont néanmoins devenus des produits d’exportation. Les consommateurs se trouvent dans certains marchés niches, surtout anglo-saxons, mais aussi dans les franges militantes des gauches européennes, certaines facultés universitaires et, inévitablement, ces idées infiltrent aussi les institutions. Au-delà, c’est l’échec. Le commun des mortels n’y comprend rien et on ne peut pas l’en blâmer; il faut vraisemblablement avoir un diplôme universitaire pour avaler ces couleuvres révolutionnaires.

L’antiracisme contemporain, tout comme l’autoflagellation culturelle par ailleurs, est un monologue d’élites occidentales. C’est un outil autant au service du signalement ostentatoire de vertu et des stratégies de positionnement que de la lutte contre le racisme et ses effets.

Pensez-vous que votre travail serait publiable aujourd’hui dans une revue académique en Suisse ou ailleurs en Europe?

Pas sous cette forme. Mais avec une thèse plus robuste et plus étayée, débarrassée de ses provocations, j’imagine que oui.

Pouvoir publier n’est probablement pas la question. Le problème réside ailleurs. Dans le monde académique, les questions relatives aux disparités de genre ou de populations tendent à être interrogées selon un nombre de paramètres implicitement limités. Rien n’est censuré, bien sûr, mais il y a des hypothèses qu’il est impoli de formuler. Ce n’est pas en raison d’une idéologie mais plutôt d’un problème d’endogamie: dans certaines facultés, l’uniformité intellectuelle semble être devenue une vertu. Toutes les diversités sont une richesse, sauf celle des idées.


Télécharger Les Jacobins de l’antiracisme

Format PDF: https://go.antipresse.net/moos-jacobins

Format ePub: https://go.antipresse.net/jacobins

On peut aussi lire…

This category can only be viewed by members. To view this category, sign up by purchasing Club-annuel, Nomade-annuel or Lecteur-annuel.

La guerre d’Ukraine est une guerre totale

Il y a la guerre absolue selon Clausewitz, qui de nos jours ne pourrait prendre que la forme du conflit nucléaire. Mais avant elle, il y a la guerre totale, ou l’inclusion de toutes les sphères d’une société dans la conflagration. Comment avons-nous pu en arriver là?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Anneke Lucas: itinéraire d’une enfant jetable

A six ans, Anneke Lucas a été vendue à un réseau pédophile. Pendant des années, elle a été exploitée comme esclave et «vestale» sexuelle. Aujourd’hui, elle consacre sa vie à mettre en lumière cette «pyramide de la souffrance» où elle a failli elle-même être ensevelie. Anneke est une survivante et un témoin de premier rang sur l’un des pires maux de l’humanité. Son récit est dur et insoutenable. On peut le rejeter et fermer les yeux sur ce continent caché. Mais on ne peut éviter de se poser la question: et si tout ceci est vrai, dans quel monde vivons-nous en réalité? Cet entretien a été réalisé en septembre 2023.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Faire croire à la démocratie: le modèle suisse

La Suisse, cet automne, est en campagne électorale. C’est la promesse de débats sans surprise sur des sujets sans importance. L’important est de célébrer la liturgie démocratique en évitant les fausses notes. Mais que se passerait-il si, dans ces cérémonies bien policées, quelqu’un soulevait une vraie question?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’État: faible ou fort?

Les dirigeants se croyaient en mesure de tout maîtriser, on voit bien aujourd’hui qu’ils ne maîtrisent rien. Ils ont libéré des puissances qui finiront un jour par les emporter, eux comme le reste.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

eID: le contrôle total de l’humain par les GAFAM?

Pas à pas, de «progrès» en «innovation», de «simplification» en «commodité», la prison numérique tisse son cocon autour de chacun d’entre nous. Ce n’est ni une fiction ni une fatalité. Voici un inventaire des technologies et de procédés dont nous allons «inévitablement» devenir dépendants. Ou pas?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Météo d’été

Au début de l’été, la radio d’État en Suisse avait émis un bulletin d’alerte pour orages d’une extrême violence. En fin de compte, la prévision se révéla fausse. Il y eut juste un peu de pluie et quelques coups de tonnerre. Certains protestèrent en reprochant à la météo de mal faire son travail.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

La légende de Sviajsk

Ce fortin d’où est partie la conquête de Kazan est devenu un grand centre de mission spirituelle, puis une prison et un asile de fous. Le destin de Sviajsk semble contenir à lui seul la folie totalitaire du XXe siècle. On y garde le souvenir de certaines scènes parmi les plus bizarres et les plus diaboliques de la Révolution bolchevique. Deuxième et dernière étape de notre excursion au Tatarstan…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

La Comédie-Française: en rire ou en pleurer?

S’il est une institution culturelle en France, c’est bien elle. Son prestige est tel que tous ses couacs, ses dérives et ses fautes de goût passent auprès du public parisien pour des vétilles ou des égarements momentanés. Ariane Bilheran ose ici livrer un portrait sans fard de la Maison de Molière en maquerelle de la nouvelle prostitution idéologique.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Rester dans le coup

Les militaristes estampillés et autres traîneurs de sabre à l’ancienne ne déclenchent que rarement des guerres par accident. Mais on ne saurait en dire autant des pacifistes quand ils virent au bellicisme.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’Antidote!

Chaque dimanche matin dans votre boîte mail, une dose d’air frais et de liberté d’esprit pour la semaine. Pourquoi ne pas vous abonner?

Nous soutenir