Pain de méninges
Les livres, mémoire de l’humanité
Les livres sont la seule mémoire de l’humanité; de tout ce qui a eu lieu, il ne reste que des faits ou des idées exprimées par des mots; les monuments disparaissent dans le feu, sous les sables, ou par l’effet du progrès des sciences; les tableaux s’écaillent et s’assombrissent. Quelques livres forment la légende de la terre. Heureux sont ceux qui en écrivent ou qui en éditent: ce sont les seuls témoins durables de notre tragique aventure! Edmond Jaloux.
Le devoir de l’historien
«Il faut, avant tout, que l’historien soit libre dans ses opinions, qu’il ne craigne personne, qu’il n’espère rien. Autrement, il ressemblerait à ces juges corrompus qui, pour un salaire, prononcent des arrêts dictés par la faveur ou la haine. (…) L’unique devoir de l’historien, c’est de dire ce qui s’est fait (…), et négliger tout le reste ; en un mot, la seule règle, l’exacte mesure, c’est de n’avoir pas égard seulement à ceux qui l’entendent, mais à ceux qui, plus tard, liront ses écrits (…), ne s’inquiétant pas de ce que dira tel ou tel, mais racontant ce qui s’est fait. (…) Il vaut mieux, prenant la vérité pour guide, attendre sa récompense de la postérité que se livrer à la flatterie pour plaire à ses contemporains. Telle est la règle, tel est le fil à plomb d’une histoire bien écrite.» — Lucien de Samosate, De la manière d’écrire […]
La puissance de la vérité
«Ce qui nous est demandé, c’est un effort de discrimination objective et subjective : rejeter l’erreur sans haïr les hommes. Ce monde dont nous refusons les mensonges et les impostures, implacablement, c’est aussi le nôtre (…). Mais nous avons d’abord et avant tout à faire exister la vérité en nous-mêmes, dans notre intelligence. Le combat que nous menons est contre nos propres ténèbres. Par le simple fait que la lumière se fait dans un esprit, le monde moderne tout entier vacille.» — Jean Borella, 1989.
Rendez-nous notre mélancolie!
Quand j’ai compris que j’avais été terrassé par cette maladie, j’ai ressenti le besoin, entre autres choses, de protester haut et fort contre le terme de «dépression». La dépression, la plupart le savent, était jadis appelée «mélancolie», un mot qui apparaît dans la langue anglaise dès l’an 1303… «Mélancolie» semblerait aujourd’hui encore un terme plus approprié et plus évocateur pour les formes les plus noires de ce trouble, mais il a été occulté par un mot à la tonalité fade dénué de toute présence magistrale, utilisé aussi bien pour désigner un déclin économique ou une ornière dans le sol, une véritable sous-appellation pour une maladie aussi grave. Il se peut que le savant généralement tenu pour responsable de sa propagation dans les temps modernes, un patron justement vénéré de la Faculté de médecine Johns Hopkins — le psychiatre d’origine suisse Adolf Meyer — ait manqué d’oreille pour les sonorités les […]
L’ordre technologique se détruit lui-même
«Je crois qu’une culture entièrement technologique serait une culture entièrement barbare. Nul ne croit que la civilisation puisse se perpétuer sans un élément supérieur de culture spirituelle… L’âge technologique qui se profile ne fait que rendre plus impérieux le besoin d’une culture chrétienne (ou de quelque alternative religieuse ou humaniste). Même si toutes les traditions spirituelles pouvaient être temporairement étouffées, cela ne pourrait mener qu’à une révolution nihiliste qui détruirait l’ordre technologique lui-même.» — Christopher Dawson, 1955.
L’appétit destructeur de l’islam
«Les brefs contacts que j’ai eus avec le monde arabe m’ont inspiré une indéracinable antipathie. ll m’a fallu rencontrer l’Islam pour mesurer le péril qui menace aujourd’hui la pensée française. [On ne peut que] constater combien la France est en train de devenir musulmane. Déjà l’Islam me déconcertait par une attitude envers l’histoire contradictoire à la nôtre, et contradictoire en elle-même : son souci de fonder une tradition s’accompagne d’un appétit destructeur de toutes les traditions antérieures. Dans la civilisation musulmane, les raffinements les plus rares – palais de pierres précieuses, fontaines d’eau de rose, mets recouverts de feuilles d’or – servent de couverture à la rusticité des moeurs et à la bigoterie qui imprègne la pensée morale et religieuse.» — Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques.
Les vertus conquérantes de l’esprit
Ce monde est empoisonné de malheurs et semble s’y complaire. Il est tout entier livré à ce mal que Nietzsche appelait l’esprit de lourdeur. N’y prêtons pas la main. Il est vain de pleurer sur l’esprit, il suffit de travailler pour lui. Mais où sont les vertus conquérantes de l’esprit ? Le même Nietzsche les a énumérées comme les ennemis mortels de l’esprit de lourdeur. Pour lui, ce sont la force de caractère, le goût, le « monde », le bonheur classique, la dure fierté, la froide frugalité du sage. Ces vertus, plus que jamais sont nécessaires et chacun peut choisir celle qui lui convient. Devant l’énormité de la partie engagée, qu’on n’oublie pas en tout cas la force de caractère. Je ne parle pas de celle qui s’accompagne sur les estrades électorales de froncements de sourcils et de menaces. Mais de celle qui résiste à tous les vents de […]
Pour une belle fin de vie
Dieu merci, je ne suis plus rien. À supposer que j’aie jamais été quelque chose, et je souhaite à beaucoup d’ambitieux de finir ainsi. J’ai trouvé la certitude et le repos, ce qui vaut mieux que toutes les hypothèses. Je me suis mis d’accord avec moi-même, ce qui est bien la plus grande victoire que nous puissions remporter sur l’impossible. Enfin, d’inutile à tous, je deviens utile à quelques-uns, et j’ai tiré de ma vie, qui ne pouvait rien donner de ce qu’on espérait d’elle, le seul acte peut-être qu’on n’en attendît pas, un acte de modestie, de prudence et de raison. » — Fromentin, Dominique
Le mal se passe de méchanceté
« Aucun des pilotes d’Hiroshima n’a eu besoin de mobiliser la quantité de haine qu’il a fallu à Caïn pour tuer son frère Abel. La quantité de méchanceté requise pour accomplir l’ultime forfait, un forfait démesuré, sera égale à zéro. Nous sommes confrontés à la « fin de la méchanceté », ce qui — je le répète — ne signifie pas la fin des mauvaises actions mais leur perfide allègement. Car rien n’est maintenant plus inutile que la méchanceté. À partir du moment où les coupables n’ont plus besoin d’être méchants pour accomplir leurs forfaits, ils perdent toute chance de réfléchir au sens de leurs forfaits ou de revenir sur eux. La liaison entre l’acte et le coupable est détruite. Ce qui reste, ce sont deux bords d’un gouffre définitivement coupés l’un de l’autre et entre lesquels on ne peut plus jeter de pont : d’un côté, le bord de […]