Pain de méninges
La politique, ou la reddition des femmes
«Mais dans ce coin du monde appelé Angleterre, en cette fin de siècle, il s’est produit une chose étrange et troublante. Ouvertement, au vu de tous, un conflit ancestral s’est éteint abruptement et sans bruit: l’un des deux sexes s’est soudain rendu à l’autre. Vers le début du XXe siècle, la femme s’est publiquement inclinée devant l’homme. Elle a très sérieusement, officiellement proclamé que l’homme avait eu raison depuis le début; que la taverne (ou le Parlement) était effectivement plus importante que le foyer; que la politique n’était pas (comme la femme l’avait toujours soutenu) qu’une excuse pour boire des chopes de bière, mais une déité sacrée devant laquelle les nouvelles adoratrices devaient plier le genou; que les bavards patriotes de taverne n’étaient pas seulement admirables mais encore enviables; que le débat n’était pas qu’une perte de temps, et que par conséquent les tavernes n’étaient pas qu’un gaspillage d’argent. Nous tous, […]
Une pensée-émoticône
«Or, le Journaliste est de gauche, précisément par la dimension morale qu’il associe à son travail et qui se traduit par une forme — en réalité plutôt timide — de ce qu’on appelle souvent le progressisme. En fait, comme il est très vulnérable au pouvoir des mots, le Journaliste a peur de se retrouver dans le camp des réactionnaires ; en ce sens, tout changement le séduit dès lors qu’il est présenté par ses défenseurs comme une évolution nécessaire et un progrès. Pour autant, le Journaliste n’est pas un révolutionnaire : les idées trop radicales lui font peur et il ne peut adhérer à une cause que si cela lui permet d’avoir bonne conscience. Il est une proie facile pour les groupes de pression partisans du changement permanent ; c’est en ce sens que la qualification d’idiot utile lui sied assez bien. En effet, s’il a peur d’être à la […]
Comment devient-on «sulfureux»?
«Le Journaliste nous aide à lire le réel. Il nous dit qui est bon et qui ne l’est pas. Il ne désignera jamais comme “un polémiste” quelqu’un avec qui il est en accord. Un polémiste, c’est, pour le Journaliste, quelqu’un qui aime la provocation, qui pratique le «dérapage volontaire». C’est une personne qui permet d’atteindre de bons chiffres d’audience mais dont les positions sont indéfendables. Si elle est connue pour être “proche de” tel cercle/mouvement politique/individu mal vu (sans que cette proximité fasse nécessairement l’objet d’une démonstration rigoureuse bien souvent), on dira de cette pèersonne qu’elle est “sulfureuse”.» — Ingrid Riocreux, La Langue des médias, p. 132.
Pas de démocratie sans liberté de la presse
« Le gouvernement représentatif sans la liberté de la presse est le pire de tous : mieux vaudrait le divan de Constantinople. […] Supposez, ce qui n’est pas impossible, qu’un ministre parvienne à corrompre les Chambres législatives ; ces deux énormes machines broieront tout dans leur mouvement, attirant sous leurs roues et vos enfants et vos fortunes. Et ne pensez pas qu’il faille un ministère de génie pour s’emparer ainsi des Chambres : il ne faut que le silence de la presse et la corruption que ce silence amène. » — François-René de Chateaubriand, «De l’abolition de la censure», cité par Ph. Grasset, dedefensa.org.
La vraie raison de la sélection négative
«Voici quelque temps, dans une réception privée, j’ai eu une conversation étonnamment intéressante et sincère avec un ancien diplomate d’un pays occidental de premier plan, et qui faisait désormais des affaires dans la région. Nous avions tous deux un peu bu, lui tout de même plus que moi, ce qui avait contribué à lui délier la langue. A un moment donné, je l’ai interrogé très ouvertement: “Pourquoi, en Serbie, vous n’aidez et n’amenez au pouvoir que les plus mauvais individus?” Ayant réfléchi un instant, il me répondit de manière très peu diplomatique: “La première raison est évidente: les gens sans qualités, les faibles caractères et les corruptibles sont les plus dociles et les plus aisés à manipuler. Et l’autre raison? Hum, comment te dire: avec cette sélection négative, nous détruisons délibérément le respect de soi de votre peuple et le sentiment patriotique des générations à venir. Quand ils voient ce […]
De la laideur moderne
«“La crudité et la laideur de la vie européenne moderne” — cette vie réelle dont nous devrions rechercher le contact — “sont le signe d’une infériorité biologique, d’une réaction insuffisante ou erronée à l’environnement”. Le château le plus dément qui soit jamais sorti de la besace d’un géant dans un conte gaélique débridé est non seulement bien moins laid qu’une usine robotisée, il est aussi (pour utiliser une formule très moderne) “dans un sens très réel” nettement plus réel. Pourquoi ne devrions-nous pas fuir ou condamner la “sinistre absurdité assyrienne” des hauts-de-forme ou l’horreur morlockienne des usines? Elles sont condamnées mêmes par les auteurs de la plus évasionnelle des littératures, la science-fiction. Ces prophètes nous annoncent souvent (et beaucoup semblent le désirer) un monde ressemblant à une vaste gare au toit de verre. Mais il est très difficile d’en tirer ce que les hommes pourront bien faire dans une telle […]
Le théâtre parlementaire
«Un parlement ne fait que mal dissimuler le règne des partis et, derrière ceux-ci, le pouvoir illimité des individus; l’égalité des droits a toujours été une illusion, de même que l’assujettissement public au fisc.» — Béla Hámvas.
L’anarchisme, dada de riches
«Vous avez cette éternelle sornette que si l’anarchie devait survenir, elle viendrait des pauvres. Pourquoi le devrait-elle? Les pauvres ont été rebelles, mais jamais anarchistes; ils ont davantage d’intérêts que quiconque à l’existence d’un gouvernement décent. Le pauvre homme est réellement chevillé au pays. Le riche, non; il peut toujours aller en Nouvelle-Guinée avec son yacht. Les pauvres se sont parfois soulevés contre un mauvais gouvernement; les riches se sont toujours soulevés contre l’idée même d’être gouvernés.» — G. K. Chesterton, L’homme qui était Jeudi, 1908.
Une civilisation d’épiciers
«Quelle malédiction a frappé l’Occident pour qu’au terme de son essor il ne produise que ces hommes d’affaires, ces épiciers, ces combinards aux regards nuls et aux sourires atrophiés, que l’on rencontre partout, en Italie comme en France, en Angleterre de même qu’en Allemagne ? Est-ce à ces dégénérés que devait aboutir une civilisation aussi délicate, aussi complexe ? Peut-être fallait-il en passer par là, par l’abjection, pour pouvoir imaginer un autre genre d’hommes.» — Emil Cioran.