Du fait même de la perte de son caractère organique, une société ouverte risque de s’acheminer progressivement vers une «société abstraite». Elle peut en effet cesser, dans une large mesure, d’être un véritable rassemblement d’individus. Imaginons, au prix d’une certaine exagération, une société où les hommes ne se rencontrent jamais face à face, où les affaires sont traitées par des individus isolés communiquant entre eux par lettres ou par télégrammes, se déplaçant en voiture fermée et se reproduisant par insémination artificielle : pareille société serait totalement abstraite et dépersonnalisée.
— Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis (1945)