Traçage Covid-19: une coupable improvisation (1)

par | 17.05.2020 | En accès libre, Futurisk, Sébastien Fanti

A quelle sauce (numérique) allons-nous être mangés? En Suisse comme en Europe, la bataille des données fait rage dans une hâte de mauvais augure pour la protection des données individuelles. Le traçage de l’épidémie justifie-t-il la violation massive de notre vie privée?

Photo Engin Akyurt, Unsplash

Je n’ai jamais rencontré Jacques Attali. Il s’en est fallu de peu, il y a de cela quelques années, lorsque j’aspirais à participer au développement du numérique en France. Une soirée avec un tel cerveau me ravirait, d’autant plus qu’il semble l’auteur de cette phrase prophétique:

«Une pandémie majeure fera alors surgir, mieux qu’aucun discours humanitaire ou écologique, la prise de conscience de la nécessité d’un altruisme, au moins intéressé. Et, même si, comme il faut évidemment l’espérer, cette crise n’est pas très grave, il ne faudra pas oublier, comme pour la crise économique, d’en tirer les leçons, afin qu’avant la prochaine — inévitable — on mette en place des mécanismes de prévention et de contrôle, ainsi que des processus logistiques de distribution équitable des médicaments et de vaccins.»

Parmi les mécanismes de lutte et de prévention d’une deuxième vague dont il nous est dit qu’elle s’avère inévitable figurent les applications de traçabilité. Sans vouloir entrer dans des détails techniques, deux modèles sont en cours de développement: le modèle centralisé et le modèle décentralisé. Avec le modèle centralisé, lorsqu’une personne est diagnostiquée malade, elle prévient un serveur central et c’est lui qui informe les autres téléphones. Le hic avec ce système, c’est que les données figurant sur le serveur central vont susciter des appétits divers et variés, tant des pirates informatiques que de tous ceux qui voudront exploiter ce véritable trésor.

Exit donc la belle entente européenne qui avait prévalu aux prémices de la pandémie pour développer un système unique de traçabilité. La Suisse s’est retirée de ce projet dès la mi-avril 2020 et développe actuellement une application basée sur le modèle décentralisé. Dans cette configuration, sans passer par une base de données centralisée, ce sont les téléphones des personnes diagnostiquées atteintes du COVID-19 qui contactent directement les autres téléphones. Jusqu’ici donc, aucun grief ne peut être émis à l’endroit de ceux qui souhaitent pouvoir effectuer un suivi de la pandémie.

La situation se corse lorsque durant le développement de l’application Swiss PT (auparavant intitulée DP-3T), des voix s’élèvent pour critiquer la sécurité des données. Et ces voix dont celle des Professeurs Serge Vaudenay et Solange Ghernaouti émanent des milieux scientifiques, respectivement de personnalités reconnues pour leur sérieux. De collègues des équipes qui développent l’application. S’engage alors une querelle d’experts que je suis bien incapable d’arbitrer.

Dans une situation aussi sérieuse avec des données de millions de citoyens, données de surcroît sensibles, je suis d’avis que le principe de précaution doit s’appliquer. Cette appréhension est confortée par le fait que nous dépendons technologiquement de Google et d’Apple pour le fonctionnement de cette application. Permettez-moi également de faire part de mes doutes lorsque je lis dans un récent article de l’Illustré que l’équipe de recherche travaille de manière collaborative au moyen de l’application contestée Zoom, partage des documents sur Google Docs et qu’elle reconnaît textuellement que l’attente est trop grande, que la technologie utilisée (Bluetooth) n’est pas parfaite et qu’elle va passer à côté de certaines personnes. Bref, que l’application n’est pas la solution, mais un complément au traçage manuel.

D’aucuns m’objecteront que l’actuelle pandémie génère des risques supérieurs. C’est statistiquement faux, à l’aune du nombre de personnes infectées et en regard des potentialités d’accès à des données qui concernent un nombre bien supérieur de citoyens. De surcroît, en matière de sécurité informatique, l’innocuité d’un système ne doit en aucun cas être présumée en comptant sur l’honnêteté des acteurs. N’oublions jamais que les données de santé sont particulièrement attractives pour les pirates qui peuvent les vendre à prix d’or sur le darkweb.

À cet égard, la Confédération a tenté de juguler la critique en invitant les pirates informatiques à tester la robustesse de l’application. Sans toutefois promettre de récompenser ceux qui y parviendraient ainsi que cela est l’usage en matière de bug bounty (chasse aux bugs). Qui va dès lors consacrer du temps à cette application alors qu’il pourrait être rémunéré par des acteurs du domaine de la sécurité informatique? Nous en saurons vraisemblablement plus prochainement, mais le temps est compté, car contrairement à la désormais mythique phrase d’Alain Berset, le Conseil fédéral souhaite aller aussi vite que possible, mais pas aussi lentement qu’il serait nécessaire pour préserver la sécurité des données des citoyens helvétiques. Ce qui est évidemment regrettable.

Le traçage anonyme est un dangereux oxymore: ne sacrifions pas la défense de nos données personnelles sur l’autel de la pandémie.

  • Article de Sébastien Fanti paru dans la rubrique «Futurisk» de l’Antipresse n° 233 du 17/05/2020.

On peut aussi lire…

This category can only be viewed by members. To view this category, sign up by purchasing Club-annuel, Nomade-annuel or Lecteur-annuel.

L’Ouest est à l’ouest (1)

Qui a tué Donald Trump? Si la question avait dû se poser ainsi, nous n’aurions peut-être même plus le loisir d’y réfléchir aujourd’hui. Mais elle s’est posée autrement: qui a VOULU tuer Donald Trump? Et là, elle débouche sur un abîme de réflexions donc ces quelques lignes ne sont qu’une esquisse.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Les cercles de déni (2/2): caducité de la loi et paronomôn

De nos jours, l’«immunité parlementaire» permet aux députés d’échapper aux conséquences de leurs actions. Dans l’Athènes antique, c’était exactement le contraire: en proposant une loi irrecevable, on mettait sa propre tête en jeu… S’étonnera-t-on si nos régimes, privés de tout contre-pouvoir, sombrent dans le chaos?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Avalon

Cela me paraît de plus en plus incroyable à mesure que le temps passe, mais j’ai connu les frénétiques années 1980. On draguait au son de la New Wave, dandyesque, dansant, érotisé et so british. C’était chargé de langueurs, de sous-entendus et d’allusions artistiques, comme un bal masqué dans un palais vénitien.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Le chaos sans la guerre civile

Macron et Mélenchon ont beau déclarer la guerre civile à la France périphérique, ce n’est pas pour autant demain ou même après-demain que la France tout court basculera dans la guerre civile. Un autre scénario se profile plutôt.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’ermite des tempêtes

On hésite toujours un peu avant de dévoiler de tels lieux. Le mieux serait peut-être de l’enfermer dans l’album de souvenirs de son cœur et d’y retourner, si possible incognito, lorsque l’occasion se présente. D’un autre côté, il me semble que de ne pas en parler en ces temps troublés serait cruel,un peu comme refuser l’eau à l’assoiffé. Car la simple existence de cette forteresse, et du chevalier qui l’habite, constitue une bonne nouvelle et une défaite de l’empire du Rien.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Un ennemi pas comme les autres: un Français sur trois

Qu’est-ce que le pouvoir ne serait pas prêt à sacrifier pour «barrer la route à l’extrême droite»? Ses «valeurs»? Entendu, ce sont de toute façon des abstractions. Ses idées? D’accord, elles sont jetables. L’État de droit, ou ce qu’il en reste, aussi. Mais alors… de quel côté se trouve le vrai péril pour la démocratie?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’Apocalypse selon Saint Jean (Raspail)

Que se passe-t-il quand une civilisation se meurt? Il lui arrive à peu près la même chose qu’à certains vieux aigris et revenus de tout: elle se rigidifie, se crispe sur des convictions qui ne renseignent plus sur le monde extérieur, verse dans la paranoïa — elle ne produit plus en d’autres termes que de l’idéologie. Or à quoi assistons-nous aujourd’hui sinon à un grand choc des idéologies?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Faire sécession

Nous nous côtoyons encore, mais nous ne formons plus une société. Nous voyons se défaire sous nos yeux les liens fondamentaux qui font tenir ensemble la cité. Y a-t-il encore moyen d’enrayer cette décomposition?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Des élections pour rien?

La France est encore en proie à la fièvre électorale. Trois options radicalement opposées s’offrent à elle et les extrêmes menacent d’écraser le centre. Mais que se passerait-il réellement si ces extrêmes l’emportaient?

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Pacifiste, un métier à risque

Ceux qui s’engagent pour la paix dans les époques d’escalade guerrière vivent dangereusement. Les loups solitaires pullulent dans les rues et les balles perdues ne le sont pas pour tout le monde. A moins que ces loups ne soient pas si solitaires que ça…

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Le stoïcisme comme réalité

On n’écrit plus aujourd’hui de livres de ce genre: près de mille pages, en plus d’une certaine densité, bien construit et pensé, se nourrissant d’innombrables lectures, en même temps que d’une bonne expérience de la vie et de ses difficultés. L’auteur dit qu’il a mis huit ans à l’écrire, on le croit volontiers. Ce livre a demandé en tout cas beaucoup de travail. Mais le résultat est là: un livre magnifique.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

Opprimer au nom de la dignité: le cas Alain Soral

La condamnation d’Alain Soral en Suisse pour délit d’opinion révèle une contradiction spectaculaire entre la loi et les principes constitutionnels. En voici une analyse juridique argumentée pointant une grave régression du droit que le système recouvre d’un voile de pudeur.

L’ANTIPRESSE EST UN ANTIDOTE À LA BÊTISE AMBIANTE

Déjà abonné(e)? Je me connecte.

Pas encore membre? Je m’abonne!

Je veux en savoir plus? Je pose des questions!

L’Antidote!

Chaque dimanche matin dans votre boîte mail, une dose d’air frais et de liberté d’esprit pour la semaine. Pourquoi ne pas vous abonner?

Nous soutenir