La panique va s’appesantir, là où l’automatisme gagne sans cesse du terrain et touche à ses formes parfaites, comme en Amérique. Elle y trouve son terrain d’élection; elle se répand à travers des réseaux dont la promptitude rivalise avec celle de l’éclair. Le besoin de prendre les nouvelles plusieurs fois par jour est déjà un signe d’angoisse; l’imagination s’échauffe, et se paralyse de son accélération même. Toutes ces antennes des mégalopoles ressemblent à des cheveux qui se dressent sur une tête. Elles appellent des contacts démoniaques. Il est certain que l’Est n’échappe pas à la règle. L’Ouest vit dans la peur de l’Est, et l’Est dans la peur de l’Ouest. En tous les points du globe, on passe son existence dans l’attente d’horribles agressions. Nombreux sont ceux où la crainte de la guerre civile l’aggrave encore. La machine politique, dans ses rouages élémentaires, n’est pas le seul objet de cette crainte. Il s’y joint d’innombrables angoisses. Elles provoquent cette incertitude qui met toute son espérance en la personne des médecins, des sauveurs, des thaumaturges. Signe avant-coureur du naufrage, plus lisible que tout danger matériel.
— Ernst Jünger, Traite du rebelle