Nous vivions resserrés dans nos murs comme au milieu de la mer, et tu ne peux pas croire combien cela vous pèse à la longue, comme on est triste, abattu, de ne pouvoir sortir, même sur les glacis.
Des vieillards cloués dans leur fauteuil depuis dix ans, et qui ne songeaient jamais à se remuer, sont accablés de savoir que les portes restent fermées. Et puis, la curiosité d’apprendre ce qui se passe, de voir des étrangers, de causer des affaires du pays, voilà des choses dont le besoin est très grand et dont personne ne se doute avant de l’avoir éprouvé comme nous…
Ah! Ceux qui soutiennent que la liberté passe avant tout ont bien raison, car d’être enfermé dans un cachot, quand il serait aussi grand que la France, c’est insupportable. Les hommes sont faits pour aller, venir, parler, écrire, vivre les uns avec les autres, commercer, se raconter les nouvelles, et lorsque vous leur ôtez cela, le reste n’est plus qu’un dégoût.
— Erkmann-Chatrian, Le blocus, Chapitre XVI. Via Dominique Lescanne.