Sommes-nous en train d’assister à une expérience de Milgram à l’échelle des peuples, se demande Bernard Dugué, chercheur et philosophe, dans un grand entretien avec Slobodan Despot publié dans l’Antipresse. Entre sang-froid scientifique et hérésie politique, il livre un véritable manifesté en faveur de la liberté de mouvement et de pensée en des temps de dictature sanitaire.
«Pour le reste, nous avons affaire à un étrange dévoilement. Chacun révèle un peu de lui-même. La plupart des intellectuels sont restés discrets. Seuls André Comte-Sponville et quelques autres se sont exprimés en philosophes engagés. Un bon nombre se regardent le nombril en confinement, confient leurs états d’âme, sans sacrifier à la notoriété médiatique en jouant sur Skype. Ils gèrent la résilience, se prenant pour les héros d’une série télé dont le scénario a été écrit par Boris Cyrulnik. Ils ne regardent pas les drames se jouant dans la société et les dérives du pouvoir. On peut «pressentir» un monde d’après qui devrait être le même que celui d’avant mais en pire, pas seulement au niveau de la géopolitique. (…)
Pour comprendre et expliquer ce qui arrive, il y a quelques cartes philosophiques à jouer mais elles sont bien rangées sous le tapis par l’intelligentsia française. (…) Se pourrait-il que ce soit une fin de l’Histoire prométhéenne dévoilée par une particule virale de 100 nanomètres de diamètre? Ou alors la figure de l’homme balayée telle une dune de sable après une vague, comme l’indique l’épilogue des Mots et des Choses de Foucault dont l’oracle nous parle? Le pouvoir ne s’intéresse plus à l’homme, au sujet de la modernité, il s’occupe de la maladie, du virus, faisant de cette pathologie un objet d’expérience scientifique à l’échelle nationale, avec l’appui des experts sanitaires.»